Plus qu’un simple coup de comm’, la pratique du corpoworking s’inscrit désormais dans une vraie stratégie de mise en place de nouvel écosystème de travail collaboratif de la part des entreprises hébergeantes.
Coca-Cola, SAP, Google… La liste d’entreprises qui s’essayent au corpoworking ne cesse de s’allonger et ne concerne plus seulement les grands groupes. Pourquoi donc créer des tiers lieux collaboratifs en leur sein ou à l’extérieur, ouverts à leurs salariés et à des acteurs externes (entreprises, freelances…) ? Ces espaces conviviaux, informels, stimulants… ne seraient finalement pas qu’une manière de parfaire leur image en surfant sur la mode du ²co². Le fait de fédérer et d’animer une communauté de partage et d’échange génère de plus en plus de retombées positives.
Pas de bureau attribué ni même de salle close, aucune traduction spatiale de hiérarchie… Y vient qui veut, le temps souhaité, pour effectuer des tâches quotidiennes et participer à des projets.
Plus autonome, le salarié de l’entreprise croise ses collègues mais aussi des intervenants extérieurs dans un espace atypique où la spontanéité des échanges est privilégiée. Il trouve là une escale entre deux rendez-vous pour réduire les temps de trajet et peut rencontrer de manière informelle des collaborateurs évoluant sur d’autres sites. Si l’agencement semble décalé, le mode projet y est aussi plus utilisé. Le corpoworking reflète la « nomadisation » des métiers, y compris dans les secteurs les plus traditionnels de la banque ou de l’assurances.
« C’est aussi la forme la plus aboutie de leadership, où la faculté d’influencer de la part du salarié lambda l’emporte sur la traditionnelle autorité du manager », observe Clément F., partner au sein du cabinet de conseil en management Peltis.
La Villa Bonne Nouvelle d’Orange assume cet apprentissage de nouvelles méthodes de travail. L’ancien immeuble des standardistes des PTT se veut, par exemple, être un incubateur insufflant de nouvelles pratiques collaboratives et même un laboratoire du travail de demain. De ce lieu de 350 m², qui peut être reconfiguré en fonction des besoins des équipes parfois composées de salariés et de personnes extérieures, des nouvelles politiques RH sont ainsi diffusées dans le reste du groupe.
Dans le groupe Renault, on souligne avant tout la promotion de changements aussi bien managériaux que comportementaux au sein des équipes. Ainsi Le Square, un Open innovation Lab parisien ouvert à tous les acteurs de la mobilité, permet de mettre au point des solutions collectives électriques, connectées et autonomes. Les équipes s’habituent à l’ouverture aux partenaires, aux start-ups… tout en faisant preuve de créativité interne.
« De quoi générer des codéveloppements itératifs, via la combinaison de différents savoir-faire, pour obtenir un gain de résultat et de temps », soutient Clément F.
L’entreprise hébergeante réalise une veille soutenue et est susceptible de s’approprier des nouvelles technologies décisives. Les talents, constatant l’émulation et l’intégration dans l’écosystème qui leur correspond, sont fidélisés, avance-t-on chez Procter & Gamble dont les locaux à Genève ont adopté un tel fonctionnement.
Dans son siège parisien très novateur, qui a par le passé appartenu à France Télévision puis à Orange, l’ETI de conseil en transition digitale Onepoint met l’accent sur les bureaux ouverts non attitrés au design épuré, sur les recoins cosy aptes à la concentration mais aussi sur le « Livepoint » : cet espace commun avec escaliers en colimaçon, plafonds hauts, murs de travail, écrans multiples et coin restauration au design soigné, permet de brasser les publics internes et externes.
« Nous le louons aussi à des Comex qui viennent s’imprégner de l’ambiance », précise le CEO David Layani.
Cependant, le corpoworking ne s’improvise pas. Il ne peut être réfléchi qu’à partir d’un simple plan d’aménagement des locaux. Il implique une réflexion globale sur l’outillage et l’organisation de tels lieux : taille de l’espace, qualité et accessibilité au réseau, partage des données, solutions collaboratives, applications mobiles…
Pour remporter le succès escompté, cet espace doit être à la pointe des technologies numériques. Selon une étude Workforce Transformation menée par Dell et Intel(1), 38 % des employés français prétendent que leur bureau « n’est pas assez intelligent ».
Objets connectés, réalité augmentée ou virtuelle ont tout intérêt à entrer dans ces espaces de travail en rupture avec les habitudes.
La Banque Postale avec sa Platform58, la Caisse d’Epargne Rhône-Alpes avec B612, Free avec la Station F, le Crédit Agricole avec Le Village…, toutes comprennent l’intérêt de créer des lieux accessibles à leurs équipes et aux jeunes pousses, proches à la fois de pépinières, incubateurs et accélérateurs, tout en organisant des programmes d’accompagnement et de financement…
Et demain ?
L’évolution logique tend vers une recherche de liens toujours plus denses entre ces écosystèmes accueillis, les entreprises et leurs clients autour du cœur de business.
Ainsi, l’Atelier BNP Paribas draine les futures pépites de la data ou de l’IA dans l’accélérateur ainsi que les salariés férus d’intrapreneuriat dans le People’s Lab.
En ligne de mire, de la veille et des collaborations dans les Fintechs : par le passé, BNP Paribas a pris une participation dans PayCar, moyen de paiement sécurisé entre particuliers pour l’achat/vente d’un véhicule ; elle s’est aussi invitée chez Fortia, spécialiste de l’IA qui s’adresse aux gestionnaires de fonds. Mais c’est aussi un moyen de fournir des solutions concrètes aux clients de la banque : tous les ans, ces derniers les énoncent et des appels d’offre sont lancés pour que des start-ups hébergées répondent à leur problématique.
Les jeunes pousses et freelances hébergés ont tout à gagner à intégrer ces « laboratoires vivants » promulguant échanges et accompagnement… De l’autre côté, le corpoworking donne l’occasion à nombre d’entreprises hébergeantes d’oser en matière d’agencement, de RH, d’innovation…
Les modes de travail alternatifs deviennent plus familiers pour leurs équipes ; la mobilité, l’autonomie et le mode projet gagnent du terrain quand les silos s’estompent dans ces entités soudain plus ouvertes.
(1) Source : http://www.dellworkforcestudy.com/fr/assets/report/Dell-future-workfoce-study.pdf